Les arnaques de location de vacances
Les petites annonces "gratuites"




« Quand j'ai commencé à m'inquiéter vraiment, le propriétaire m'a répondu par mail :
'Pensez à prendre vos serviettes de plage, elles ne sont pas fournies...' » Un détail, une astuce.

Voilà la confiance relancée, l'arnaque remise sur les rails. Et les « pigeons », comme la famille Robin-Auffret se surnomme elle-même, « plumés à l'espagnole »...

Ce couple de Nantais avec enfants a loué pour juillet un appartement via Internet. Patatras, il n'existait pas. Au moins 170 victimes se sont fait piéger.

« Chaque année, on déplore une arnaque. Celle-ci est la plus grande jamais rencontrée sur les sites de location de vacances entre particuliers », estime un professionnel de l'Internet.« Tout était beau »« Nous avons l'habitude de louer en ligne », raconte Éric Robin-Auffret.

Mi-mai, le couple surfe à la recherche d'un nid au sud de l'Espagne. « On a trouvé un appartement sur le front de mer à Denia. Cocotiers en bas. Tout était beau. » Trop beau ? « Non. Le prix était intéressant sans être hors du marché. »

Pressé et heureux d'avoir déniché une location pour quinze jours, le couple, partant avec des amis, a payé l'intégralité du loyer, fin mai : 1 800 € par virement bancaire... « On n'aurait pas dû... Mais sur Internet, c'est une pratique de plus en plus courante de demander le paiement total. Et puis, on avait reçu un contrat, on était en confiance. »Huit jours après le versement des fonds, le « propriétaire » a disparu... « HomeAway.fr, par qui on était passés, nous a envoyé une alerte signalant une trentaine d'annonces suspectes, raconte Éric Robin-Auffret.

On était dedans... »« On ne doit jamais payer plus de 30 % à la réservation », rappelle Laurence Blostel, d'HomeAway.fr et Abritel.fr, sites qui revendiquent la place de leader en France de ce marché en expansion (+30 % en un an).« Deux millions d'euros »La liste des victimes s'allonge chaque jour. Cinq familles ont été flouées en Loire-Atlantique, une en Ille-et-Vilaine, une autre en Finistère. Les anecdotes s'échangent sur les forums. Ainsi, un couple de Moscovites a débarqué près de Valence avec enfants et valisessans jamais trouver sa villa...

L'arnaque, parfaitement ficelée, a touché plusieurs sites réputés. Les escrocs démultipliaient les annonces pour contourner la vigilance des hébergeurs : ils flairent l'arnaque quand une offre trop belle provoque des pics d'audience.Les escrocs, qui avaient aussi ouvert des boîtes postales présentées comme des agences immobilières, mettaient en ligne leurs propres sites web. « Un super site avec de la super musique », s'amuse aujourd'hui un client de la banlieue nantaise, remboursé par l'assurance souscrite en ligne. Au moins quatorze comptes bancaires différents auraient été ouverts en Espagne. À peine crédités, ils étaient fermés. « Au bas mot, on estime le préjudice à deux millions d'euros », avance Pascal Leseur, victime parisienne qui organise la riposte des clients. Tous espèrent voir leurs plaintes regroupées chez un seul juge d'instruction.Laurence Blostel redit que les sites de particulier à particulier ne sont pas des agences de voyage. Ils ne vérifient pas la réalité des offres. « Les escroqueries sont extrêmement rares, insiste Abritel.fr. Pour s'en prémunir, les clients doivent faire très attention (lire ci-dessous). Dans la rue, on ne laisse pas son sac ouvert. »








Les vacances ont très mal commencé pour neuf familles, ce 15 août à Hyères.
Venus de Normandie ou encore de la région parisienne, après de longues heures de voyage, ces estivants ont eu la très mauvaise surprise de trouver occupé l'appartement qu'ils avaient loué via le site internet « Le Bon coin », au 5 place des Pêcheurs, dans le quartier littoral typique des Salins.

Pascal Marquer, le vrai propriétaire des lieux, n'en revient toujours pas, lui non plus. « J'ai deux appartements à usage locatif saisonnier, uniquement sur supports payants internet de qualité, explique- t-il. Depuis trois ans, cela fonctionnait sans souci. »

Plaintes en cascade

En juillet dernier, une cliente se désiste pour la seconde quinzaine du mois d'août. M. Marquer remet donc l'appartement en location sur plusieurs sites. Dans le courant du mois, il reçoit un appel alarmant : « Une dame m'a demandé si j'avais loué à son fils de 18 ans en passant par le site ''Le Bon coin'', ce qui n'était pas le cas. Elle était inquiétée par un chèque d'acompte et des indications incohérentes. Le soir même, je suis allé consulter ce site, mais l'annonce n'y était plus. J'ai pris contact avec ''Le Bon coin'' pour signaler le problème, et le lendemain j'ai déposé plainte à la gendarmerie de La Farlède ».

L'annonce émane a priori d'un résidant normand se présentant sous le nom de M.F., et d'une société immobilière régulièrement enregistrée en Seine-Maritime, référencée sur Infogreffe. Mais le numéro de téléphone de cette agence reste muet.

« Nos vacances sont gâchées »

Le 15 août arrive, et avec lui pas moins de neuf familles différentes, toutes également persuadées d'avoir loué aux Salins d'Hyères. Parmi elles, les Duchemin, venus de Normandie à sept dont trois enfants. Sandrine Duchemin, employée dans une grande surface, ne s'est pas contentée de verser les 50 % d'arrhes demandées par M.F., elle a réglé l'intégralité du séjour de 15 jours, soit 1600 euros. Les Duchemin tombent de haut en croisant l'heureux « vrai » locataire, puis le propriétaire Pascal Marquer, lui aussi consterné.

« Nous sommes arrivés après un premier groupe de personnes qui avait aussi loué. Les derniers se sont présentés à 21 heures...», raconte Sandrine Duchemin. « Tout était très bien ficelé. Nos vacances sont gâchées. On a travaillé toute l'année pour partir, on a fait 14 heures de route. Nous voulons que ce faux loueur paye. »

Les Duchemin ont déposé une plainte contre X et se sont également retournés contre « Le Bon coin ». Même cuisante déception pour Audrey B., employée de mairie, et les siens, soit six personnes dont une octogénaire en provenance de la région parisienne. « Nous étions arrivés vendredi soir pour éviter les bouchons. Ma cousine, ma grand-mère qui a des problèmes pour se déplacer, et ma fille ont pris l' avion. Nous avons appelé plusieurs fois M.F. sur son portable, mais il ne répondait pas. C'est lorsque nous avons vu le locataire que nous avons compris. »

Dans l'urgence, les uns comme les autres ont dégoté de quoi se loger pour quelques jours. « Mais on ne trouve pas de location pour la deuxième semaine, et les billets d'avion sont bloqués », déplore Audrey. Reste à savoir si le faux loueur n'a pas fait d'autres victimes, et sabordé d'autres vacances.
N. B. Nice-Matin




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